Doulouzargues

LE MONASTÈRE DE SAINT-SATURNIN DE NODELS ET LE PRIEURÉ DE SAINT-VINCENT D’OLOZARGUES

Dans le territoire de la commune de CODOGNAN, non loin du lieu où la route de Nîmes à Aigues-Mortes franchit le Rhôny, ce petit cours d’eau Vaunageol, se trouve une grande ferme dont les bâtiments, en forme de rectangle, s’élèvent au milieu de la vaste étendue des vignes.

On appelle ce mas : Doulouzargues et le passage de la route sur le Rhôny : le pont de l’Hôpital.

Ces deux désignations sont les seuls vestiges actuels de fondations religieuses aujourd’hui entièrement disparues : le Monastère de Saint-Saturnin de Nodels et le Prieuré de Saint-Vincent d’Olozargues.

C’est Charlemagne qui fonda le couvent de Nodels pour honorer le martyre de Saint-Saturnin ( Monasterium de Nodellis, quod nos construximus in honorem Sancti Saturnini martiris ).

Par un diplôme daté du troisième jour des Calendes Juliennes, l’an vingt-troisième de son règne ( 791 ), le grand empereur conféra le Monastère de Nodels, à titre d’aumône, à l’Abbaye de Psalmodi où s’était retiré son petit fils : Théodomir.

Cette libéralité est confirmée par un diplôme de Louis le Débonnaire de Novembre 815 et par une ordonnance de Charles-le-Chauve du mois de Juin 851.

Le couvent de Nodels, dont les possessions s’étendaient des Costières à la Vaunage, constituait l’un des plus importants domaines de l’Abbaye.

Cette plaine féconde fournissait aux religieux, de l’Ordre de Saint Benoît d’Aniane, des céréales, du vin, de l’huile dont les abords lagunaires et marécageux de Psalmodi étaient dépourvus.

De plus, au lieu d’Olozargues, dans un hospice attenant aux bâtiments conven­tuels, les moines accueillaient et soignaient de nombreux malades.

On comprend que ces terres, riches et prospères, furent souvent convoitées par les bandes d’irréguliers, les féodaux du voisinage. De furieux combats étaient livrés en ces lieux.

En 1908, lors de la construction, au mas de Doulouzargues, de cuves à vendange, on a découvert, à quelques mètres sous terre, plusieurs squelettes, parfaitement conservés, qui paraissaient être les restes de guerriers.

Aux maux de ces luttes intestines s’ajoutaient les incursions meurtrières des Sarrasins. Les barbaresques faisaient, en effet, des apparitions fréquentes sur les Côtes de la Méditerranée, pénétrant jusqu’à l’intérieur des terres par la grande roubine d’Aigues-Mortes, appelée « Fossa Gothica » parce qu’elle était probable­ment l’oeuvre des Visigoths.

Les Sarrasins pillèrent plusieurs fois le Monastère de Nodels qu’ils incendièrent en 900 après y avoir commis les pires atrocités.

Les bâtiments furent reconstruits trois fois grâce aux libéralités d’âmes charitables, de grands personnages et notamment des évêques de Nîmes qui édifièrent à Olozargues, près de l’hospice, une église dédiée à Saint-Vincent.

« L’Ecclesia Olodanicis » figure parmi les possessions du chapitre Cathédral de Nîmes dans la. bulle d’Adrien IV du 10 décembre 1156.

En 1248, Saint-Louis se fit céder par Remondus, abbé de Psalmodi, le rivage d’Aigues-Mortes en vue de s’embarquer pour la terre Sainte.

Louis IX séjourna plus d’un mois à Psalmodi et il est probable que, souffrant d’une longue et douloureuse maladie, il vint demander des soins aux moines hospitaliers de Nodels.

L’Hospice d’Olozargues jouissait, en effet, d’un grand renom. Il se trouvait sur l’un des quatre grands axes routiers que suivaient les pèlerins pour se rendre à Saint-­Jacques-de-Compostelle.

Les jacquaires, venant d’Arles et Saint-Gilles et se dirigeant vers Saint-Guilhem, y trouvaient asile et soins.

Dès le milieu du XIII° siècle, l’Abbaye de Psalmodi connut un rapide déclin.

Elle résistait mal aux luttes incessantes du moyen âge, ses possessions subissaient de graves dommages et son domaine s’effritait.

Le Monastère de Nodels fut démembré. Au lieu d’Olozargues, les évêques de Nîmes, qui avaient très souvent protégé et secouru les moines, installèrent un Prieuré proche de l’hospice et un chanoine résida dans la ferme attenant à l’église reconstruite, ainsi que l’atteste la bulle du 7 mai 1260 donnée par le pape Alexandre IV.

Le Prieuré de Saint-Vincent d’Olozargues comprenait une maison de campagne, un domaine en terres et vignes et les dîmes des biens environnants.

L’église Cathédrale de Nîmes en retirait un revenu de 2.400 livres.

En février 1265, les troupes des seigneurs de Calvisson et de Massillargues attaquèrent de nuit le Prieuré. Après avoir molesté le chanoine, Etienne Ranulphe, elles pillèrent l’église et la ferme et incendièrent les récoltes.

Le souverain pontife en fut informé et Clément IV, qui n’oubliait jamais les intérêts de la contrée qui lui avait donné le jour, écrivit, le 15 août 1265 au Roi pour lui demander réparation de ces dommages.

Au cours de ces temps si troublés, le prieur d’Olozargues eut grand peine à défendre ses biens. Il dut engager de longs procès pour faire respecter ses droits.

Par jugement du 16 juin 1472, Arnaud Gobelet, chanoine de Nîmes et prieur d’Olozargues obtint de Claude de Chateauneuf, seigneur du Caylar, le paiement de la dîme que ce dernier refusait de verser depuis plusieurs années.

Cette redevance, irrégulièrement acquittée jusqu’à la fin du XVI” siècle, était contestée, en 1615, par le baron d’Aubais devenu seigneur du Caylar.

Ce litige fut successivement porté devant le Parlement de Toulouse, le Conseil privé du Roi, puis à nouveau devant le Parlement qui, par un arrêt du 23 juin 1664, condamnait le sieur d’Aubais ou ses fermiers d’Ivernaty, à payer le droit de dîme sur le pied du douzième.

Les d’Aubais du Caylar possédaient, depuis le début du XVI° siècle, la plus grande partie du terroir avoisinant le Prieuré d’Olozargues.

Le représentant le plus marquant de cette famille, le Marquis Charles de Baschi, avait réuni, dans sa bibliothèque au château d’Aubais, des pièces importantes pour servir à l’histoire du Bas Languedoc.

Malheureusement après son décès, ce riche dépôt a été dispersé et bien peu de ces documents sont parvenus jusqu’à nous.

On peut cependant consulter, à la bibliothèque de Nîmes, une carte du terroir d’Olozargues, que fit dresser cet érudit aristocrate et qui présente de précieuses indications sur la topographie des lieux.

Les Archives du Gard possèdent les pièces d’autres procès, engagés par le Chapitre de Nîmes, au sujet de la levée des dîmes d’Olozargues dans les territoires du Caylar et de Coudognan.

Pendant les guerres de religion, plusieurs engagements eurent lieu autour du Prieuré d’Olozargues.

L’église fut incendiée par les Huguenots en 1622.

Lors de sa visite pastorale du 8 octobre 1659, Monseigneur Cohon, évêque de Nîmes, trouvant l’église en grande partie ruinée, ordonna de disposer un lieu décent dans la métairie pour célébrer la messe.

La ferme elle-même était détruite par les Camisards, en septembre 1703, après mise à l’abri des meubles du tenancier d’origine protestante.

Après la révolution, ce qui restait du Prieuré fut vendu comme biens appartenant à la Nation et c’est avec les ruines amoncelées, restées sur place, que s’édifièrent les assises du mas actuel.

Ainsi finit la chronique du Monastère de Nodels et du Prieuré d’Olozargues, anneaux désormais détruits de la chaîne des temps.

Le vigneron qui, derrière sa charrue, foule aujourd’hui ce sol chargé d’histoire ne se doute pas de tous les drames qui se déroulèrent, au cours des siècles, dans ces champs de douleurs.

À mon neveu Michel GAUFRÈS ces quelques pages d’histoire locale, Franck Gébelin